Intro
J’ai eu l’idée de faire cet épisode il y a pas mal de temps mais je ne savais pas trop comment le faire. Depuis que j’ai mon blog je reçois pas mal de messages de témoignages de gens qui sont passés du coercitif à une méthode d’éducation bienveillante et qui culpabilisent et se flagellent de ce qu’ils ont pu faire subir à leurs chiens suite aux conseils d’éducateurs utilisant une méthode coercitive. C’est pour ça que je dis presque à chaque épisode qu’il ne faut pas trop se culpabiliser et que l’important c’est la remise en question, on a TOUS fait des erreurs, vraiment tout le monde. De plus, en tant que propriétaires de chiens, c’est signe qu’on veut bien faire de demander conseil à son véto ou d’aller chez un éducateur, on a donc envie de leur faire confiance car ils ont les connaissances que nous n’avons pas. Pareil pour les nouveaux humains de chiens qui lisent un max de bouquins pour mieux s’informer mais qui sont au final remplis d’incompréhensions sur le comportement canin. Vous ne saviez pas, vous avez voulu bien faire et vous vous êtes retrouvés face à des conseils et méthodes coercitifs. D’ailleurs, bon nombre d’éduc en méthode bienveillante que je croise en formation ou que je connais personnellement sont passés par la case coercitif. Pourquoi ? tout simplement parce que c’était LA méthode prônée au moment où ils se sont formés. Et malheureusement c’est encore la méthode prônée par bon nombre d’éducs et de clubs. Donc c’est assez normal d’y avoir été confronté et d’en avoir appliqué les conseils.
Beaucoup de gens me rapportent des moments où ils n’ont pas senti les choses chez leur éduc, où ils ont senti que leur chien n’était pas bien, où certains actes leur ont fait mal au coeur. Ça peut aller du chien qu’on contraint à rester assis au chien qu’on pend au bout d’un collier étrangleur ou à qui on balance un saut d’eau froide dans la tronche pour lui rafraichir les idées. Certains ont fuit directement, d’autres sont restés. Parce qu’on les a rassurés, qu’on leur a dit que c’est comme ça que ça fonctionnait, parce qu’ils ont voulu faire confiance, et surtout parce qu’ils étaient face à des figures d’autorité.
Dans cet épisode, je parlerais donc de l’expérience de Milgram pour vous déculpabiliser et vous expliquer que, scientifiquement, vous avez eu une réaction normale en appliquant les conseils de votre éducateur. Ensuite, on fera le lien avec ces conseils qu’on reçoit en éducation et je finirais par en rajouter une couche sur ce à quoi il faut faire attention chez un éducateur ou dans les conseils de pros du chien pour éviter de vous retrouver avec un chien complètement traumatisé.
L’expérience de Milgram
Quand j’étais en fac de psycho, on nous a donc présenté une expérience hyper intéressante, l’étude de Milgram. Evidemment, c’est une expérience qui est aujourd’hui éthiquement très conversée.
Milgram était donc psychologue à l’université de Yale et a mené une expérience sur le conflit entre l’obéissance à l’autorité et la conscience personnelle (vous voyez déjà où je veux en venir). Il a examiné les justifications d’actes de génocide proposées par les accusés lors des procès criminels de la Seconde Guerre mondiale et de Nuremberg. Leur défense était souvent basée sur « l’obéissance » – qu’ils ne faisaient que suivre les ordres de leurs supérieurs.
Le recrutement avait lieu par des petites annonces dans le journal pour participer à une étude sur l’apprentissage à l’université de Yale. La procédure était la suivante : le participant était jumelé avec une autre personne et ils tiraient « au sort » pour déterminer qui serait l' »apprenant » et qui serait l' »enseignant ». Evidemment, le tirage au sort était fixé de telle sorte que le participant soit toujours l’enseignant et que l’apprenant était l’un des complices de Milgram (prétendant être un vrai participant). Ensuite, l’apprenant été emmené dans une pièce où des électrodes été attachées à ses bras, et l’enseignant et le chercheur étaient dans une pièce voisine contenant un générateur de chocs électriques et une rangée d’interrupteurs marqués de 15 volts (choc léger) à 450 volts (danger : choc grave).
Après que l’apprenant avait eu appris une liste de paires de mots qui lui avait été donnée, le « professeur » le testait en nommant un mot et en demandant à l’apprenant de se souvenir de sa paire dans une liste de quatre choix possibles.
On demande alors à l’enseignant d’administrer un choc électrique à chaque fois que l’apprenant fait une erreur, en augmentant le niveau du choc à chaque fois. Le générateur de chocs comportait 30 interrupteurs allant de 15 volts (choc léger) à 450 volts (choc grave). L’apprenant donnait principalement de mauvaises réponses (volontairement) et pour chacune d’entre elles, le professeur lui administrait un choc électrique. Lorsque l’enseignant refusait de lui administrer un choc, l’expérimentateur devait lui donner une série d’ordres ou d’incitations pour qu’il continue. Il y avait 4 ordres et si l’un d’eux n’était pas respecté, l’expérimentateur (M. Williams) lisait l’ordre suivant, et ainsi de suite :
- Ordre 1 : Continuez s’il vous plaît.
- Ordre 2 : L’expérience exige que vous continuiez.
- Ordre 3 : Il est absolument essentiel que vous continuiez.
- Ordre 4 : Vous n’avez pas d’autre choix que de continuer.
Les résultats montrent que 1/3 des participants ont continué jusqu’au plus haut niveau (450 volts). Tous les participants ont continué jusqu’à 300 volts.
Milgram (1974) a expliqué le comportement de ses participants en suggérant que les gens ont en fait deux états de comportement lorsqu’ils se trouvent dans une situation sociale : l’état étonome et l’état agentique.
- L’état autonome : les gens dirigent leurs propres actions et assument la responsabilité des résultats de ces actions.
- L’état agentique : les gens permettent aux autres de diriger leurs actions, puis transfèrent la responsabilité des conséquences à la personne qui donne les ordres.
Les personnes ordinaires peuvent donc faire du mal à un autre être vivant sous les ordres d’une personne d’autorité. Il a conclu que les gens obéissent soit par peur, soit par désir de paraître coopératifs, même lorsqu’ils agissent à l’encontre de leur propre jugement et de leurs désirs. La personne est perçue comme qualifiée et ses demandes paraissent donc légitime.
Liens avec l’éducation canine
Mais donc du coup qu’est-ce que ça nous apporte ? Quand on adopte un chien, la première personne qu’on voit c’est le vétérinaire, une figure donc d’autorité. La plupart des gens vont donc écouter ce que le vétérinaire leur dit et l’appliquer mais ceux-ci s’y connaissent plus ou moins bien en comportement. Personnellement je connais des supers véto (clinique du lion vert si vous êtes autour de Lyon). Mais il y en a pleins d’autres très bons pour la santé physique mais pas pour le reste. Là aussi les formations changent et ça dépendra de qui vous avez en face de vous. Mais clairement si votre véto contraint le chien au soin sans avoir pris le temps de le détendre, allez voir ailleurs au risque que ça finisse en morsure ou trauma de votre chien ; ou s’il vous dit que votre chien est dominant mais que sur le plan des soins il est top, fermez vos oreilles quand il parle de comportement. Pareil avec l’éducateur canin que les nouveaux propriétaires de chiens iront voir : ce que leur dit l’éducateur vient d’une figure d’autorité, ils vont donc mettre en pratique ses conseils et le laisser faire, même si cela leur retourne le cœur. On est donc dans ce fameux conflit entre l’obéissance à l’autorité et la conscience personnelle. J’entend souvent une phrase qui rejoint le prod 4 de Milgram « vous n’avez pas d’autre choix que de continuer ». En effet, pas mal d’éduc en coercitif vous utiliser des mots durs pour vous convaincre que leur méthode de contrainte est la seule solution pour votre chien. C’est faux je préfère préciser. Pareil pour les clubs canins. En vrai c’est compliqué de trouver un club canin en positif pourtant c’est le premier truc qu’on conseille aux gens sur facebook quand ils adoptent un chien plutôt qu’un éduc car c’est moins cher. LE problème c’est que si vous mettez votre chiot dans un club en coercitif, qu’il se fait démonter la tronche par l’éduc, par les chiens et par vous, la rééducation derrière sera hyper difficile. Et évidement, les éducs qu’on voit à la télé ou non-stop dans les pubs sur les réseaux sociaux peuvent être considérés comme des figures d’autorité pour certaines personnes, qui vont appliquer tous leurs conseils, payer leurs formations et les défendre sans se rendre compte qu’à côté, ils cassent leur chien en en faisant soit une bombe à retardement soit un chien totalement éteint. Et en vrai, c’est pareil pour tous les professionnels du chien. A paris je m’en rappelle pour Eliott j’avais un osteo super mais dès qu’on parlait comportement canin j’étais à deux doigts du malaise.
Heureusement, aujourd’hui, les formations des vétos et des éducs sont de plus en plus axées sur quelque chose de bienveillant, et les meilleurs éducs que je connais sont ceux qui continuent de se former. Parce que oui, le monde change, la science avance et on découvre que ça marche mieux d’avoir le chien avec soi plutôt que contre soi, que c’est important de lui laisser des choix, qu’il faut le respecter comme tout être vivant.
Tout ça pour dire qu’on apprend tout le temps en fait. Faire des erreurs ça arrive mais si vous vous en rendez compte c’est que vous êtes sur la bonne voie. Il y a plusieurs mois j’avais vu un post tellement mignon d’une nana dont le chien avait traversé la route, elle l’avait engueulé et du coup elle culpabilisait de dingue. Elle demandait quoi faire après ce genre de moment où on ne contrôle plus nos émotions. Et bah dans ces cas-là, on s’excuse et on créé le plus possible des interactions positives pour remettre son chien en confiance. J’avais trouvé ça mignon parce que moi aussi ça m’arrive et parfois je culpabilise jusqu’à en pleurer. Et puis je vois des gens qui foutent des énormes tartes à leur chien ou mettent des énormes acoups en collier étrangleur et ne voit pas le problème. Et je me dis que l’important c’est de tilter que ça ne va pas, qu’on a merdé, si on le voit c’est que les ¾ du temps, on gère. Donc si vous êtes passés par la case coercitif avec votre chien et que vous en êtes sortis, félicitations ! Si vous êtes un jeune propriétaire de chiens et que vous y êtes, écoutez votre cœur et trouvez un autre endroit (je remettrais les recensements où vous pouvez trouver un éduc).
On m’a demandé d’en rajouter une couche pour savoir à quel moment il faut dire stop. J’en avais déjà parlé dans le deuxième épisode mais du coup effectivement j’en rajoute une couche parce que c’est important. Tout d’abord, voir méthodes positives sur le site d’un professionnel canin ne suffit pas. Il y en a des bien connus qui parle d’éducation positive tout en parlant de hiérarchie chez le chien ou même qui dise que l’impuissance acquise n’existe pas. Là on parle donc d’éduc qui n’ont pas les notions principales en comportement canin. Pareil si l’éducateur parle de dressage dans sa description plutôt que d’éducation ou de vous aider à comprendre votre chien, c’est souvent mauvais signe (sauf sur facebook, la catégorie c’est forcément dresseur de chiens). Regardez les outils que l’éduc vous demande, s’il demande un étrangleur, semi-étrangleur, électrique etc., barrez-vous. S’il vous dit que c’est la seule solution : non, la souffrance d’un chien n’est jamais la seule solution. S’il prône l’alpha rolls tant redouté : chien maintenu au sol jusqu’à ce qu’il s’épuise totalement. Si l’apprentissage de la marche en laisse ou du assis (ou autre d’ailleurs) se fait par des coups secs sur la laisse. Si les cours consistent à répéter 50 fois le même ordre à la suite. Si l’éduc cherche à tout prix à faire taire un chien qui aboie, grogne, saute, dit que ça ne lui va pas. Si l’éduc utilise un chien régulateur qui défonce juste votre chien jusqu’à ce qu’il arrête de bouger. Evidemment, s’il hurle sur votre chien ou le tape. S’il utilise la méthode de la bouteille avec des lentilles ou cailloux dedans. Et en vrai y’en a surement pleins d’autres mais mon imagination a ses limites.
Et comme d’habitude regardez votre chien, s’il s’immobilise en voyant l’éduc ou le club, qu’il tente de s’enfuir, qu’il émet 600 signaux d’apaisement, qu’il commence à avoir des réactions agressives avec vous, c’est que ça n’est pas bon.
Et n’oubliez pas, le but n’est pas que votre chien se taise et soit tout cassé. Vous avez adopté un chien c’est pour faire au max pour qu’il soit bien dans ses pattes, et ça ça passe par des compromis. Un chien qui a appris à se taire, c’est juste un chien qui au moment où il aura un minimum de contrôle ou un stress trop élevé va défoncer un autre chien, un humain ou même vous.
Conclusion
Cet épisode était assez compliqué à faire car je sais qu’on est beaucoup à être dans l’émotionnel à mort avec nos chiens. Le but était surtout de vous faire déculpabiliser et de vous motiver à continuer de bien faire avec votre chien. Je voulais aussi remercier ceux qui ont accepter de témoigner de leur histoire afin de m’aider à écrire ce podcast, particulièrement Marie Verdin, une super éduc qui s’est bien remise en question pour aller vers une éducation bienveillante.
Références :
http://www.edmotivate.com/uploads/4/7/6/4/47648491/milgram_experiment.pdf
https://www.reachoutrescue.org/info/display?PageID=10820
Où trouver un bon éduc ?
- Carte des éducateurs en positif : https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=zLExvQwBzpzk.kvZ8FcEO4n2s&hl=en_US
- La team cap dog : Interview + liens
Livres conseillés
– le comportement de mon chien par Charlotte Duranton
– les signaux d’apaisement par Turid Rugaas
– Comportement et bien-être du chien
– dans la peau d’un chien d’Alexandra Horowitz
